Le Kawah Ijen et ses ramasseurs de soufre
23:55 : Le réveil sonne… Dépêchez-vous les gars, le chauffeur nous attend pour aller voir le volcan.
Nous grimpons donc en mode somnambule dans un vieux 4*4 à priori indispensable d’après le Lonely pour atteindre le baraquement d’entrée du Kawah Ijen. J’ai quand même l’impression que la rénovation des routes indonésiennes est plus rapide que la mise à jour du Lonely dont les informations sur le Kawah Ijen sont toutes erronées (prix, chemin d’accès…). Mais bon, 1h30 plus tard, nous sommes au départ du chemin abrupte qui doit nous conduire sur le bord du cratère en 2 heures de marche.
Si nous partons aussi tôt, c’est pour voir un phénomène exceptionnel qui s’appelle le « Blue Fire ». Il s’agit de flammes bleues du fait de l’inflammation des gaz sulfuriques qui s’échappent des fissures et visibles uniquement de nuit. Je pense que nous resterons, par mesure de précaution, trop éloignés de celles-ci pour véritablement apprécier leur effet. Je ferais la descente de nuit avec Tim pendant que Paul et Simon continueront leur nuit sur leur mère enveloppés dans la couverture de survie. Voici un aperçu avec une photo prise sur le net.
Par contre l’ascension de nuit vers le cratère (3 kms de marche de grimpe raide)) et la descente dans celui-ci (1 km) à quelque chose d’unique, même si lors des premiers mètres j’avais l’impression de m’élancer pour la sainté-lyon. Un serpentin de lampes torches se forment rapidement sur le flanc du volcan pour grimper au rythme des ramasseurs de soufre.
La chaleur étant trop éprouvante en journée, ils n’ont d’autres choix que de démarrer ce dur labeur vers 2 ou 3 heures du matin. C’est donc pour nous l’occasion d’échanger un peu avec eux. Leurs conditions de travail en disent autant que leurs conditions de vie à mille lieux des nôtres et nous pouvons seulement nous incliner devant un tel courage et un tel sacrifice. Car ces hommes sacrifient leur vie pour vivre. La dureté du métier fait que leur espérance de vie ne dépasse guère 40 ans pour seulement 50000 à 70000 Rp par jour soit 3 à 5 €. Au milieu des gaz toxiques, ces derniers extraient le minerai de soufre à coup de barre à mine pour former des blocs d’une dizaine de kg qu’ils déposent dans deux paniers reliés par une tige de bois, de façon à équilibrer la charge sur leur dos. Chaque panier doit contenir en moyenne 35 kg de minerais soit une charge totale d’environ 70 kg en équilibre précaire sur la clavicule du ramasseur. Chacun des pas de la remontée d’1 km vers le sommet du cratère défigure peu à peu le visage des ramasseurs pour faire apparaître une souffrance insupportable. Restera ensuite les 3 kilomètres de descente.… et certains recommencent la montée…Chaque Kg rapporté leur sera payé 700 Rp. A ce tarif, l’effort ne peut être optimisé, il est maximisé pour lui donner un sens vital.
Courage que la lacheté du gouvernement indonésien ne pourra jamais égaler. En effet, les photos du blue fire publiés par National Geographic et les reportages télévisés sur les ramasseurs de soufre ont fait que la fréquentation de ce site d’exception a considérablement augmenté en peu de temps. La taxe d’entrée a été multiplié par 10 passant de 15000 à 150000 Rp ce qui n’est pas le cas du kg de soufre. Le nombre de touristes à arpenter le cratère est lui même devenu 100 fois supérieur au nombre de ramasseurs les gênant considérablement dans leur travail. L’exploitation touristique du volcan rapporte certainement beaucoup plus que son soufre et ce qui ne serait pas le cas sans la souffrance des ramasseurs…
Mais du haut de ses 2368 m, le Kawah Ijen est unique. Vers 4h30, le soleil se lève doucement et dévoile peu à peu ce que l’obscurité nous empêchait d’apprécier. La clarté du jour nous offre des images inoubliables de son lac d’acide, de ses abords de cendres, de ses vapeurs toxiques et de son panorama à couper le souffle.
Valérie descendra, de jour, avec Paul jusqu’au lac d’acide mais les odeurs de soufre deviennent vite insupportables malgré les masques…mais quel leçon de vie!!
La descente vers le baraquement est elle aussi surprenante. D’une part, la lumière nous permet de voir le chemin à bord de précipice effectué de nuit. Heureusement qu’il faisait nuit ! D’autre part, la forêt qui jonche les flancs du volcan a récemment été ravagée par un incendie. Le noir du sable et de la roche volcanique se mêle au noir des arbres calcinés pour donner au paysage une atmosphère apocalyptique. Puis enfin se dresse devant nous les cônes parfaits du Gunung Merapi (2800 m) et du Gunung Raung (3332 m).
Nuit mémorable pour tous et repos bien mérité !